Monsieur le Président du Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche statuant en matière disciplinaire
1 rue Descartes
75231 PARIS CEDEX 05


Paris, le 11 juillet 2012


Monsieur le président,

Les conditions dans lesquelles vous avez unilatéralement, sans même devoir consulter les membres de votre Conseil, rejeté la demande de renvoi que j’ai formée en plein accord avec mes confrères Lionel MORONI et Arnaud LUCIEN, illustre malheureusement le mépris dans lequel sont tenus les droits de la défense et les auxiliaires de justice que nous sommes, et ce depuis le début de cette affaire.



Dès que nous avons été constitués, mes confrères Lionel MORONI, Arnaud LUCIEN et moi-même avons sollicité la copie du volumineux dossier – pas moins de 7 tomes - de notre client.

Pour des motifs qui nous paraissent juridiquement infondés et humainement inacceptables, vous avez refusé de faire droit à cette légitime demande.

Nous pensons que dans un Etat de droit et une société démocratique, un homme révoqué à vie de la profession d’enseignant qu’il a chérie et à laquelle il a consacré 25 ans de sa vie, et qui de surcroît a été définitivement interdit de toute fonction dans un établissement public ou privé, doit pouvoir être en possession de l’intégralité du dossier sur la base duquel il a été condamné, afin de pouvoir organiser normalement sa défense à l’égard des très graves accusations portées à son encontre.

Cette évidence n’a pourtant pas été la vôtre et nous ne pouvons que profondément le regretter.

Mais la violation des droits de la défense s’est encore aggravée ce jour, si cela était possible.

En effet, d’une part, les avocats de la défense n’ont pas été convoqués aux audiences des 11 et 12 juillet, alors qu’ils l’avaient été à vos précédentes audiences.

D’autre part, les avocats de la défense, avertis tardivement de votre audience, ont demandé la citation de 16 témoins. Mais vous avez décidé – unilatéralement et discrétionnairement - de n’en citer que 3, sans que l’on sache au demeurant lesquels.

Enfin, et plus grave encore, nous avons reçu la vielle de votre audience du Conseil de la rectrice de l’académie de Nice un mémoire de 58 pages : cet envoi plus que tardif ne permettait évidemment pas de prendre une connaissance sérieuse de ce document, d’en conférer utilement avec notre client et de préparer une réponse argumentée.

Le volume de ce document et son envoi manifestement tardif justifiaient pleinement notre demande de renvoi de l’audience : néanmoins, vous avez cru pouvoir considérer, là encore unilatéralement, sans devoir consulter les membres de votre Conseil, que ce mémoire n’apportait aucun élément nouveau au dossier - dont précisément vous n’aviez pas cru devoir nous transmettre une copie. L’opinion de la défense pouvait être toute autre, et c’est la raison pour laquelle nous avons demandé que le mémoire soit écarté des débats ; là encore, vous avez unilatéralement rejeté cette demande légitime, ce qui pouvait laisser supposer que la décision à venir pouvait reposer, ne serait-ce qu’en partie, sur des éléments contenus dans ce mémoire que la défense n’avait pas la possibilité matérielle de discuter ; les droits de la défense se sont à nouveau trouvés purement et simplement bafoués, ce qui est inadmissible au regard de l’enjeu de l’affaire pour notre client.

Dans ses conclusions prononcées sur l’arrêt du Conseil d’Etat du 16 mai 2012, le rapporteur public, monsieur Rémy KELLER, a fait part à la haute juridiction « qu'à titre personnel nous ne verrions que des avantages à ce qu'un magistrat professionnel siège dans la juridiction disciplinaire des enseignants-chercheurs, ne serait-ce qu'en appel ».

Mes confrères Lionel MORONI et Arnaud LUCIEN et moi-même ne pouvons que partager ce point de vue.

Nous demandions simplement à pouvoir exercer notre mission de défenseurs. Monsieur OUESLATI a constaté que tel ne pouvait pas être le cas. Il sera jugé hors de sa présence. Quel échec pour votre juridiction.

Je vous prie de croire, monsieur le président, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Michel GRAVÉ, Avocat à la Cour