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jeudi 10 janvier 2013

Révoqué, l'ancien président de l'université saisit le Conseil d'État (article var matin du 9 Janvier 2013)

« Vu les conditions déplorables dans lesquelles Laroussi Oueslati a été jugé, nous nous attendions depuis juillet à une décision défavorable. » Préparé à la confirmation de la révocation à vie de l'ancien président de l'université de Toulon-Sud-Var par le CNESER (1), Me Lionel Moroni, l'un de ses défenseurs, attendait l'officialisation du jugement pour saisir la plus haute instance administrative. C'est désormais chose faite puisque la Défense a formé un pourvoi devant le Conseil d'État pour critiquer la décision rendue sur le fond et la forme. « On veut remettre en question la crédibilité et le mode de fonctionnement de cette instance, le CNESER, qui fait fi des fondamentaux du droit. À ce sujet, nous disposons d'une jurisprudence. À deux reprises, le Conseil d'État a sanctionné le CNESER. »

Un simulacre

Dans le collimateur des juristes : l'absence de communications du dossier dans son intégralité et dans des délais suffisants et la transmission tardive d'un mémoire. « De telles pratiques devant un tribunal de police seraient inconcevables. C'est la base », ne décolère pas l'avocat. Ulcérés du déroulement des audiences qui se sont tenues à deux reprises à la Sorbonne, à Paris, M. Oueslati et ses conseils avaient quitté les lieux au bout d'une heure ; dénonçant un «simulacre» de procès. « C'est la révocation à vie - un fait unique depuis Vichy - d'un homme qui se jouait. Il fallait qu'on lui donne les moyens de connaître l'intégralité du dossier pour se défendre. C'est cela la justice. »

L'avocat toulonnais attend aussi des « nouvelles de la procédure pénale suivie à Marseille au cours de laquelle M. Oueslati a été mis en examen pour corruption passive. Mystérieusement, tout semble suspendu. Si l'on est dans l'attente du sort administratif de celui-ci, cela peut signifier que le dossier pénal est faible pour que l'on lui trouve une issue. »

1. Le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.

article publié dans var matin le 9 Janvier 2013 à cette adresse

Jugé en appel, l'ex-président de la fac claque la porte (article var matin du 17 Juillet 2012)

Témoins non cités ou conclusions à charge transmises la veille : Laroussi Oueslati, radié à viea quitté l’audience en dénonçant une atteinte aux droits de la défense

Laroussi Oueslati et ses trois avocats - Mes Michel Gravé, Lucien Arnaud et Lionel Moroni -, ont claqué la porte, la semaine dernière du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). C'est à la Sorbonne que devait être jugé les 11 et 12 juillet, l'ancien président de l'Université de Toulon, révoqué à vie de toute fonction dans un établissement public ou privé, à la suite d'irrégularités commises au sein du campus varois.

Droits de la défense bafoués

Cette audience a fait suite à l'appel formé par l'ex-universitaire. Mais le premier jour d'audience, dénoncent aujourd'hui ces conseils, « nous avons assisté à quelque chose d'incroyable. Les droits de la défense ont été bafoués. Nous sommes des auxiliaires de justice et notre rôle est réduit à néant. Il était inacceptable de défendre un homme qui a consacré vingt-cinq ans de sa vie à l'enseignement supérieur et qui est condamné à ne plus pouvoir exercer le moindre droit », dénonce avec virulence Me Lionel Moroni. Il relève tous les errements du dossier. À commencer par l'absence de communication aux avocats du volumineux dossier (sept tomes) aboutissant à la radiation à vie. Ici, des questions prioritaires de constitutionnalité ont été soulevées mais… rejetées. Dans son arrêt, le conseil d'État a relevé qu'il ne « verrait que des avantages à ce qu'un magistrat professionnel siège dans une juridiction disciplinaire des enseignants-chercheurs, ne serait-ce qu'en appel. »

58 pages communiquées la veille

La juridiction suprême aurait-t-elle anticipé ce qu'il allait se dérouler devant le CNESER…« La violation des droits de la défense s'est encore aggravée», constate Me Gravé(1).Avertie tardivement des dates de l'audience, la défense a sollicité la citation de seize témoins. Trois sont retenus sans que les avocats en soient avertis. « Plus grave encore, nous avons reçu la veille de l'audience un mémoire de 58 pages. Nous avons sollicité un renvoi de l'affaire que le président a refusé unilatéralement. Comment pouvait-on prendre connaissance sérieusement de ce document et préparer une réponse argumentée ? C'est inadmissible au regard de l'enjeu de l'affaire pour notre client», indique Me Moroni.

« Monsieur Oueslati a donc été jugé hors de sa présence. Quel échec pour cette juridiction ! » Les trois juristes n'écartent pas « des erreurs et des fautes commises par leur client mais il est impensable, en droit, de le traiter de la sorte. Quand vous commettez un excès de vitesse, vous avez accès à votre dossier pour vous défendre. Mais quand vous êtes radié à vie, non ? ! ». La Cour européenne des droits de l'homme va être saisie et l'intervention d'un observateur sollicitée.

1. Un courrier a été adressé dans ce sens au président du CNESER.

Article publié dans var matin à cette adresse

Lettre à l'attention du Président du CNESER

Monsieur le Président du Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche statuant en matière disciplinaire
1 rue Descartes
75231 PARIS CEDEX 05


Paris, le 11 juillet 2012


Monsieur le président,

Les conditions dans lesquelles vous avez unilatéralement, sans même devoir consulter les membres de votre Conseil, rejeté la demande de renvoi que j’ai formée en plein accord avec mes confrères Lionel MORONI et Arnaud LUCIEN, illustre malheureusement le mépris dans lequel sont tenus les droits de la défense et les auxiliaires de justice que nous sommes, et ce depuis le début de cette affaire.



Dès que nous avons été constitués, mes confrères Lionel MORONI, Arnaud LUCIEN et moi-même avons sollicité la copie du volumineux dossier – pas moins de 7 tomes - de notre client.

Pour des motifs qui nous paraissent juridiquement infondés et humainement inacceptables, vous avez refusé de faire droit à cette légitime demande.

Nous pensons que dans un Etat de droit et une société démocratique, un homme révoqué à vie de la profession d’enseignant qu’il a chérie et à laquelle il a consacré 25 ans de sa vie, et qui de surcroît a été définitivement interdit de toute fonction dans un établissement public ou privé, doit pouvoir être en possession de l’intégralité du dossier sur la base duquel il a été condamné, afin de pouvoir organiser normalement sa défense à l’égard des très graves accusations portées à son encontre.

Cette évidence n’a pourtant pas été la vôtre et nous ne pouvons que profondément le regretter.

Mais la violation des droits de la défense s’est encore aggravée ce jour, si cela était possible.

En effet, d’une part, les avocats de la défense n’ont pas été convoqués aux audiences des 11 et 12 juillet, alors qu’ils l’avaient été à vos précédentes audiences.

D’autre part, les avocats de la défense, avertis tardivement de votre audience, ont demandé la citation de 16 témoins. Mais vous avez décidé – unilatéralement et discrétionnairement - de n’en citer que 3, sans que l’on sache au demeurant lesquels.

Enfin, et plus grave encore, nous avons reçu la vielle de votre audience du Conseil de la rectrice de l’académie de Nice un mémoire de 58 pages : cet envoi plus que tardif ne permettait évidemment pas de prendre une connaissance sérieuse de ce document, d’en conférer utilement avec notre client et de préparer une réponse argumentée.

Le volume de ce document et son envoi manifestement tardif justifiaient pleinement notre demande de renvoi de l’audience : néanmoins, vous avez cru pouvoir considérer, là encore unilatéralement, sans devoir consulter les membres de votre Conseil, que ce mémoire n’apportait aucun élément nouveau au dossier - dont précisément vous n’aviez pas cru devoir nous transmettre une copie. L’opinion de la défense pouvait être toute autre, et c’est la raison pour laquelle nous avons demandé que le mémoire soit écarté des débats ; là encore, vous avez unilatéralement rejeté cette demande légitime, ce qui pouvait laisser supposer que la décision à venir pouvait reposer, ne serait-ce qu’en partie, sur des éléments contenus dans ce mémoire que la défense n’avait pas la possibilité matérielle de discuter ; les droits de la défense se sont à nouveau trouvés purement et simplement bafoués, ce qui est inadmissible au regard de l’enjeu de l’affaire pour notre client.

Dans ses conclusions prononcées sur l’arrêt du Conseil d’Etat du 16 mai 2012, le rapporteur public, monsieur Rémy KELLER, a fait part à la haute juridiction « qu'à titre personnel nous ne verrions que des avantages à ce qu'un magistrat professionnel siège dans la juridiction disciplinaire des enseignants-chercheurs, ne serait-ce qu'en appel ».

Mes confrères Lionel MORONI et Arnaud LUCIEN et moi-même ne pouvons que partager ce point de vue.

Nous demandions simplement à pouvoir exercer notre mission de défenseurs. Monsieur OUESLATI a constaté que tel ne pouvait pas être le cas. Il sera jugé hors de sa présence. Quel échec pour votre juridiction.

Je vous prie de croire, monsieur le président, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Michel GRAVÉ, Avocat à la Cour

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